Pour un rongeur dont les dents poussent tout au long de sa vie, cela devient une pathologie extrêmement grave, car ses dents doivent donc s’user en permanence

Le Larousse médical définit ainsi l’occlusion dentaire lorsqu’elle est normale :

Positionnement des dents du maxillaire supérieur par rapport aux dents du maxillaire inférieur lorsque la bouche est fermée.
L’occlusion dentaire permet la mastication des aliments, une déglutition correcte, ainsi que le repos des muscles responsables de la mastication

Quand l’alignement des dents les unes par rapport aux autres n’est pas correct, on parle alors de « malocclusion », c’est-à-dire : mauvaise occlusion.

Pour un être dont les dents ne poussent qu’une seule fois, comme nous, humains, les problèmes sont certes inesthétiques et parfois gênants, mais pas vitaux. Par contre, pour un rongeur dont les dents poussent tout au long de sa vie, cela devient une pathologie extrêmement grave.

Pousse anarchique des molaires et déviation de la mâchoire supérieure

Les dents du chinchilla doivent donc s’user en permanence, et cela est possible quand chaque dent possède son vis-à-vis exact et qu’elles vont se limer l’une l’autre lors de la mastication. Si pour une raison ou une autre, cet alignement est mauvais, ne serait-ce que de façon infime, la partie de la dent qui n’a pas de vis-à-vis ne s’usera pas et poussera anormalement. Il se produira des saillies qui blesseront la langue, les gencives, les lèvres, et formeront des abcès, empêcheront la bouche de se fermer correctement, rendant impossible la mastication des aliments, emprisonneront la langue qui ne pourra plus exercer sa fonction d’aide à la déglutition.

Il existe plusieurs causes responsables d’une malocclusion dentaire

Fonctionnelle

Le foin permet l’usure des molaires

Pour user convenablement ses molaires, le chinchilla doit mastiquer sa nourriture. C’est en broyant le foin que cette fonction est totalement remplie. Aucun granulé, même si son broyage n’est pas très fin, ne peut exercer cette fonction. Le foin de graminées, le plus riche en silice, nécessite une longue mastication qui use la table dentaire par le frottement des dents les unes contre les autres.

Un chinchilla privé de foin ne pourra pas user correctement ses molaires qui risquent de pousser anormalement.

Accidentelle, peu fréquente

Lors d’une chute, d’un accident, la mâchoire peut se trouver déplacée ou même brisée. Il est donc facile de comprendre le processus qui va s’enclencher : l’alignement des dents est rompu.

Selon la gravité du cas, le limage régulier d’une ou de plusieurs dents pourra être pratiqué par un vétérinaire et permettre au chinchilla de mener une vie normale.

Si une dent est cassée, elle repoussera, mais il faudra limer la dent opposée en attendant la repousse complète de celle qui a été lésée. Si la racine a été arrachée, le limage à l’opposé sera nécessaire, mais parfois une dent voisine poussera en biais pour combler le vide.

Héréditaire

Dissymétrie de la mâchoire inférieure

Il s’agit en fait d’une mauvaise conformation du crâne et de l’ensemble des os de la tête et de la mâchoire supérieure. Les deux côtés ne sont pas symétriques, la ligne médiane de la mâchoire supérieure présente une légère déviation et conduit inéluctablement à un mauvais alignement des dents.

Ce problème héréditaire étant congénital, il n’existe aucune parade. Les symptômes pourront apparaître très tôt, parfois dès 6 mois si la déviation est importante ou beaucoup plus tard si elle est légère, mais ils se déclencheront de toute façon un jour.

La fourrure ne permet pas de remarquer une asymétrie de la mâchoire

Il est impossible de détecter cette malformation à l’œil nu, la fourrure du chinchilla rendant invisible le problème. Seule une radio peut la mettre en évidence, ou une observation du crâne post mortem.

Par contre, il est évident que la mise à l’écart de la reproduction d’animaux atteints de ce type de malocclusion est indispensable.

De plus, il est à remarquer que la transmission du défaut s’aggrave à chaque génération : Un animal peut déclarer une malocclusion assez tardivement, par exemple vers 7 ou 8 ans, son descendant probablement plus tôt, vers 4 ou 5 ans, puis la génération suivante vers 18 mois ou 2 ans, et enfin la dernière ne pourra survivre que 6 mois ou moins d’un an.

La sélection qui découle de ces observations ne peut se faire qu’avec beaucoup de recul et ne devrait dépendre que d’un travail d’élevage extrêmement consciencieux et délicat. C’est pourquoi faire reproduire des animaux sans connaissances particulières et sans connaître leur patrimoine génétique peut se révéler très risqué.

Liée aux carences nutritionnelles

La formation du squelette commence dès le développement du fœtus. Une femelle mal nourrie elle-même ne pourra pas faire une gestation optimale ni fournir un lait de qualité à ses petits.

Une alimentation trop pauvre en calcium et phosphore, en vitamine A, D3, B1, B2, en oligo-éléments, ne permettra pas un bon développement du squelette lors de la croissance, ni un entretien suffisant de celui de l’adulte.

Les racines des molaires ont perforé la mâchoire

Si des carences alimentaires existent, les os du crâne et de la mâchoire ne seront pas assez résistants pour supporter la dentition. Les dents pourront se déchausser, les racines pourront perforer la mâchoire, blessant le nerf optique, les yeux. L’animal sera irrémédiablement perdu. C’est dire toute l’importance de fournir aux chinchillas un granulé de qualité.

Le nombre de chinchillas atteints de malocclusion dentaire est en train d’augmenter de façon vertigineuse en même temps que la multiplication des animaux par des personnes non compétentes. Et il ne s’agit malheureusement pas seulement de facteurs héréditaires et de reproduction inconsidérée, mais aussi d’aliments peu adaptés, ce qui ne devrait pas exister.

Les signes précurseurs et les symptômes

Le tout premier signe qui devrait alerter et qui annonce une malocclusion est généralement inconnu. On l’observe sur le contenu des déjections, même quand elles sont encore de forme, de couleur et de taille normales et que le chinchilla se nourrit tout à fait normalement.

Le contenu interne d’une crotte doit être très homogène, brun clair, et s’effriter facilement. Si on peut y apercevoir de petits débris de foin ou de végétaux, c’est le signe que leur broyage n’a pas été parfait, parce que le chinchilla ne peut déjà plus le faire correctement. Vient ensuite un changement de couleur et de forme des déjections : de brunes « cigare », ovales et lisses, elles deviennent foncées, noirâtres, fines et grumeleuses. La pathologie progresse.

Puis, les yeux deviennent humides ou même larmoyants et le chinchilla perd du poids. Il fait beaucoup de miettes avec son granulé. Il ne peut plus broyer son foin et ne le mange donc plus, la douleur et le mauvais alignement des molaires l’en empêche. Il est inutile de vouloir forcer un chinchilla à manger du foin : s’il ne le fait pas, c’est que cela ne lui est pas possible : avec une « rage » de dents, pouvez-vous mordre dans un sandwich ou mastiquer un caramel ?

Enfin, il commence à baver. D’abord quand il mange ses granulés, en les poussant sur le côté de la bouche au lieu de les croquer avec ses incisives, puis en permanence. Il ne peut plus déglutir et avaler sa salive. Son menton, son poitrail sont mouillés, les poils y sont collés. Une odeur désagréable se dégage de sa bouche, qui provient des aliments qui y stagnent. A ce stade, il souffre beaucoup, il ne peut plus manger, il meurt de faim.

Lorsque les tout premiers signes apparaissent, il peut être efficace de montrer le chinchilla à un vétérinaire, qui pourra, sous anesthésie, limer les saillies anormales des molaires et rectifier l’alignement des incisives. Parfois, une intervention une ou deux fois par an peut suffire à maintenir l’animal pendant des années. Mais rien n’est certain. Il faut au moins tenter l’opération une fois.

Le tableau est affreusement triste. Le but est de vous aider à comprendre l’importance du choix lors de l’achat d’un animal, même si, en matière de vivant, rien, absolument rien, ne peut être sûr à 100%. Génétiquement, la malocclusion se comporte comme un problème récessif, et le plus grand soin apporté par un éleveur peut malgré tout laisser une possibilité à un problème de survenir. Mais, sans une sélection rigoureuse, le risque est démultiplié, et faire reproduire des sujets dont on ne connaît pas l’origine est bien dangereux.

Un granulé de qualité évite les carences alimentaires

Au vu de ces explications, il est facile de comprendre pourquoi le choix d’un granulé de très grande qualité, mis au point par des générations d’éleveurs, doit prendre le pas sur des aliments de type commerciaux ; ceux-ci suivent les modes et changent en fonction de celles-ci, s’appuient sur des théories de laboratoire, attirent les clients par de jolis packagings, sans jamais prendre en compte le plus important : l’observation des animaux eux-mêmes sur un très grand nombre pendant de très longues périodes.

En un mot : l’expérience.

Catherine Peduzzi
Les Chinchillas du Terroin

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