Le « bain » de terre est pour le chinchilla un véritable plaisir autant qu’une absolue nécessité. Son poil devient gras, collant, présente des nœuds, favorisant le mâchage de la fourrure – appelé Fur Chewing – s’il en est privé.

De l’éléphant à la gerbille, du cheval à la poule, en passant par l’alouette, le zèbre et le sanglier, une multitude d’animaux prennent des bains de sable, de poussière, de boue ou de terre sèche et se roulent avec délectation dans ces différents éléments. Qu’il s’agisse de se protéger des insectes et des acariens, de la chaleur, ou d’entretenir les spécificités de leur peau, de leurs plumes ou de leurs poils, cela leur est nécessaire.

Les chinchillas, ainsi que leurs proches cousins, les viscaches, sont très attachés à cette pratique pour entretenir leur fourrure. Ils utilisent pour cela soit de la poussière d’argile, soit les cendres déposées par les éruptions des nombreux volcans qui s’étirent le long de la Cordillère des Andes. Ces bains fréquents, en colorant leur fourrure, doit également les aider à se confondre avec les roches de leur environnement et à échapper à la vue de leurs prédateurs.

Leur peau sécrète bien sûr du sébum, qui reste piégé dans leur fourrure extrêmement fine et dense. Essayons d’imaginer un peu : nous les humains, avons 150 à 200 cheveux au cm2 sur la tête, et 3 cheveux par follicule pileux, alors que le chinchilla possède 50 à 80 poils par follicule (voire davantage pour les plus denses) et environ 20 000 poils au cm2 ! La graisse produite par la peau et l’humidité extérieure absorbée ne peuvent pas s’extraire seules d’une telle fourrure : l’utilité d’un bain de terre absorbante est absolument nécessaire.

Sans ces bains, un chinchilla ressemble plus à un rat tombé dans l’eau sale qu’à un animal à l’aspect de velours et au toucher soyeux. Les poils collés par la graisse et l’humidité vont former des nœuds, parvenant même à couvrir une grande partie du corps dans les cas extrêmes. Cela va engendrer pour lui un énorme inconfort, un mal être qui influencera son comportement, son caractère, et sa longévité. Certains vont essayer de se débarrasser de cette gêne en rongeant leur fourrure ou en l’arrachant.

Aux débuts de l’élevage, dans la première moitié du XXème siècle, plusieurs solutions ont été tentées pour proposer aux chinchillas un bain efficace. Le sable a bien sûr été essayé, mais celui-ci a un très mauvais pouvoir dégraissant, et surtout il est coupant et use l’extrémité de leur poil si fragile. Le rajout de talc dans le sable n’était pas non plus satisfaisant.

Les cendres volcaniques n’étant pas vraiment une solution très pratique, peu communes en France et trop poussiéreuses pour l’utilisation en espace clos, les éleveurs ont obtenu les meilleurs résultats avec des terres argileuses de granulométrie suffisamment fine pour pénétrer la fourrure profondément sans en agresser la texture. Personne n’a trouvé mieux jusqu’à nos jours. C’est ainsi qu’est né le terme, en France, de « Terre à Bain », dans les années cinquante.  Les anglophones utilisent le mot « sand » (sable), même s’ils utilisent aussi des terres argileuses.

La fréquence

Le sujet fait débat… Je n’en vois pas vraiment la raison ?

Pour ma part, j’essaye plutôt de me représenter ce que fait un chinchilla sauvage dans son habitat naturel. Il ne doit pas trop se poser de questions compliquées… Pendant sa période d’activité, à mon avis, dès qu’il rencontre un petit coin de cendres ou de poussière bien tentant, il doit s’y précipiter avec plaisir. Si la rosée a été intense, donc l’hygrométrie plus élevée, le besoin de se rouler doit être plus important qu’en pleine journée où la chaleur le pousse à rester à l’abri des rochers.

Il se dit parfois qu’une femelle ne doit pas avoir son bain pendant quinze jours après la mise bas ! La pauvre… Je pense justement qu’après la délivrance, une femelle sauvage doit s’empresser d’aller se rouler dans la terre ou les cendres pour se sécher et surtout pour éliminer l’odeur de sang qui peut attirer les prédateurs. La nature étant bien faîte, ce n’est pas ainsi qu’elle fera une infection. Il faut évidemment proposer une terre propre, et ne lui laisser que quelques instants. En trente ans et quelques milliers de mises bas, je n’ai jamais constaté d’infection causée par un bain. 

Les petits apprennent très vite, par effet de mimétisme, et peuvent accéder au bain dès le lendemain de leur naissance, en même temps que leur mère. Ils ne commenceront toutefois à comprendre comment procéder qu’après une dizaine de jours, et après quelques essais maladroits, pourront à leur tour goûter aux joies du bain.

Les seuls moments où les éleveurs ne donnent pas accès au bain de terre sont pendant la mise bas, en cas de blessure ou de lésions au niveau des yeux.

Alors, à quelle fréquence ? Tout va dépendre d’abord du comportement de votre chinchilla ; s’il urine dedans – ce qui n’est pas rare chez  les animaux qui n’ont pas eu l’habitude d’accéder à leur bain assez souvent dans leur très jeune âge – il faut évidemment ne lui laisser que  quelques minutes, une ou deux fois par jour, et lui retirer dès que ses ablutions sont terminées ; au fil du temps, il perdra en général cette très mauvaise habitude. Vous pourrez procéder de la même façon pour les animaux qui prennent un malin plaisir à vider leur boite à bain en grattant pour en évacuer le contenu… Ce n’est pas très économique ! Là il s’agit d’un jeu, et cette manie ne leur passera jamais.

Il y a des chinchillas extrêmement propres, et qui n’iront dans leur bain que lorsqu’ils en sentiront le besoin, ou l’envie. A ceux-là, le bain peut être laissé en permanence.

D’autres vont choisir la boite à bain pour y dormir, ou y entraîner du foin ou autre nourriture,  et donc y déposer énormément de déjections et de débris : cela ne sera un problème que pour vous … il vous faudra tamiser la terre très souvent. Ce qui peut être considéré par contre comme un avantage, car vous pourrez, ce faisant, y observer la forme et la quantité de déjections et par là même l’état de santé de votre chinchilla. Ce sera donc à vous de faire le choix.

Comme il faut bien trancher, si vous ne savez pas vraiment comment vous y prendre, disons qu’il est souhaitable que le chinchilla ait accès à son bain au moins une fois par jour, pendant une demi-heure, soit à son réveil au crépuscule, soit après une période d’activité telle qu’une promenade par exemple. Plus le temps sera humide et l’hygrométrie élevée, plus il aura besoin de se baigner.

S’il vit seul il se salira peu et un bain quotidien pourra suffire, s’ils sont plusieurs à cohabiter dans une même cage, ils auront un plus grand besoin de faire leur toilette.

Si vous l’avez pris en main,  tripoté et caressé, proposez-lui son bain : vous constaterez qu’il se sent sale après une séance câlins…Surtout s’il fait chaud, ou que vous avez sur vous une odeur de parfum ou de crème !

Je me souviens d’un tout jeune chinchilla vraiment très sociable, qui avait été placé dans une famille charmante mais où la mère de famille était très parfumée et maquillée ; celle-ci avait demandé à nous le ramener, car il criait et paniquait quand elle voulait le toucher et elle le trouvait donc méchant et agressif. Une fois à la maison, je pris le petit en main, il s’y blottit sans bouger ; je voulus le remettre dans les bras de sa nouvelle propriétaire, il se mit à se débattre comme un fou. Après lui avoir expliqué que le petit chinchilla était perturbé par les odeurs de son parfum, elle ne chercha plus à le prendre et laissa ce soin à ses enfants, et tout rentra dans l’ordre.

En résumé, ces moments de bain de terre sont si nécessaires et agréables aux chinchillas, leur apportant non seulement la propreté mais aussi un bon équilibre psychologique, que  vous pouvez leur proposer sans arrière-pensée et sans chercher de règle stricte : il n’y en a pas !

Les récipients

Une petite jardinière rectangulaire ou une coupe ronde en terre cuite, une boite ou une écuelle en inox pourront être laissées en permanence dans la cage sans risque si elles sont bien fixées ou suffisamment lourdes pour ne pas être renversées.

Une boule à poissons rouges, un pot en plastique rigide avec ou sans couvercle ne conviendront que pour une utilisation ponctuelle et en dehors de la cage. (Certains chinchillas peuvent ronger les plastiques, les aquariums boules peuvent se retourner sur le chinchilla et l’étouffer, et le verre peut se briser).

Les récipients doivent être lavables et de taille suffisante pour que le chinchilla puisse s’y rouler à son aise.

Le mode d’utilisation

Le fond du récipient doit être complètement recouvert de terre sur une épaisseur d’au moins un centimètre.
La terre à bain sera renouvelée en fonction de son état de salissure ; si elle n’a pas d’odeur désagréable, le tamisage dans une petite passoire fine suffira à la rendre à nouveau opérationnelle, en rajoutant une petite quantité si besoin est.
Il est préférable cependant de la changer complètement toutes les quinzaines ou au moins une fois dans le mois.

L’ajout de fleur de soufre est très utile pour éviter l’apparition ou soigner une mycose : une petite dose bien mélangée à la terre est conseillée.
Une cuillérée à café rase de soufre peut être introduite dans un kilo de terre à titre préventif.

Catherine Peduzzi
Les Chinchillas du Terroin

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